« Au bout de moi-même »

Du bronze et du cœur. La délivrance d’Amandine Buchard a été palpable quand, portée par une Arena Champ-de-Mars qui avait perçu que sa favorite avait tout particulièrement besoin de soutien, elle a arraché le bronze des moins de 52 kilos à la Hongroise Reka Pupp, au bout d’un golden score irrespirable. Il y a eu des larmes chez « Bubuche » et, il faut le dire, des frissons chez ses interlocuteurs, tandis qu’elle revenait sur sa journée et sur les mois écoulés.

 

« Que représente pour vous cette médaille de bronze, votre deuxième médaille olympique après l’argent à Tokyo il y a trois ans ?

Franchement je ne vais pas me plaindre de cette médaille, surtout que contrairement à Tokyo je termine mon tournoi sur une victoire. Ce fut une olympiade difficile, avec des hauts et des bas, des moments où j’ai cru avoir perdu la flamme du judo. J’ai fait des choix forts, atypiques, comme de m’éloigner des tatamis six mois avant les Jeux pour me ressourcer. Et je suis revenue, j’ai été médaillée sur toutes mes compétitions depuis ce retour et là, c’est encore une médaille aux JO, trois ans après celle de Tokyo.

 

Quel était le cœur de votre approche de ces Jeux à la maison ?

Je me suis conditionnée comme si j’abordais mes derniers Jeux Olympiques. Non pas que j’ai prévu qu’il s’agisse réellement des derniers, mais pour me dire que le moment ne se représenterait peut-être pas et qu’il fallait le vivre pleinement. Et puis oui, ce sont des Jeux à la maison, quelque chose d’unique, forcément, alors dans la chambre d’appel, avant d’y aller, à chaque combat je me suis dit ‘‘va kiffer avec tous ces gens qui font du bruit de l’autre côté, ils t’attendent pour t’encourager.’’

 

« Je n’ai jamais eu beaucoup de famille dans les gradins, là aujourd’hui j’en ai eu énormément »

 

Après le revers face à l’Ouzbèke Diyora Keldiorova en demies, comment vous remobilisez-vous pour la petite finale ?

Le combat contre Diyora a été difficile, frustrant. J’ai pris des coups très rudes dès le début, j’avais du mal à m’exprimer. En descendant du tatami, cela a été très difficile de m’y remettre, de me dire qu’il y avait encore un combat à livrer. Ce sont mes proches, ‘‘Totof’’ (Christophe Massina, son entraîneur), Clarisse (Agbegnenou)… qui m’ont secoué : ‘‘Allez, il y a une médaille aux Jeux Olympiques à aller chercher.’’ Et je suis repartie. J’étais au bout de moi-même, je n’avais plus d’énergie, mais j’ai puisé celle qui me manquait dans le soutien du public. Je n’ai jamais eu beaucoup de famille dans les gradins, là aujourd’hui j’en ai eu énormément (les larmes affleurent).

 

A quoi pensez-vous quand vous enfouissez votre visage dans le tatami, tout de suite à la fin de votre combat victorieux pour le bronze contre la Hongroise Reka Pupp ?

J’ai pensé à mon père (décédé quand elle avait 13 ans, ndlr), j’ai pensé aux personnes dans les gradins qui m’ont encouragé. Avec tout le soutien qu’il m’ont apporté durant toute la journée, je leur devais bien cette médaille. Et à ‘‘Totof’’, aussi : c’est notre dernière ensemble (il arrête d’entraîner, ndlr) et c’était important de finir ainsi. »

 

L’œil de…

Christophe Massina, son entraîneur

« Je ne sais même plus ce que je lui ai dit tout de suite après sa victoire en petite finale (sourire) ! Quelque chose de l’ordre de « Bravo, tu l’as fait, tu as été la chercher, cette médaille ». Je suis un émotif, moi aussi. Amandine a traversé une olympiade difficile, sa dernière année l’a été encore plus – elle a quand même failli raccrocher le kimono ! C’est une sacrée gonzesse. Je la suis depuis qu’elle est en cadette et c’est touchant de vivre des épopées pareilles. »